Utorien et Damelien

Histoire: Pour le paysan, toutes les îles se ressemblent, elles doivent toutes se ressembler, forcément, fatalement, son île est l'archétype des autres îles, et les autres îles contiennent les memes paysans qui pensent la meme chose que lui.

Il arrive toutefois qu'un évenement improbable se déroule sur ces îles, tellement improbable qu'on se demande souvent si il a réellement eu lieu, ou si toute l'histoire que vous racontent les anciens au coin du feu n'est qu'un racontar tellement usé qu'il a fini par acquérir une certaine crédibilité. Toujours est-il qu'une des histoires raconte que Le Sévérian était originaire de Green Plain. Il parait improbable qu'un endroit aussi perdu et sans intéret que Green Plain ai engendré Severian, mais rien ne vient le contredire, et les autochtones semblent croire dur comme fer a leur légende.

Severian aurait vécu ses premieres années de façon la plus classique qui soit, entouré de deux parents paysans et d'une fratrie de frères et soeurs, il ne se distinguait en rien, participant aux travaux des champs ou jouant avec les autres enfants selon les saisons. Il ne marqua jamais sa différence avant le passage dans son village d'un navire de la marine marchande particulierement imposant. Poussé par le groupe d'enfant qu'il avait formé au fil du temps, Severian, du haut de ses 11 ans, s'aventura sur le bateau a la nuit tombée, plongeant dans une eau déja fraîche, il traversa les quelques brasses le séparant du navire, agrippa une corde, avant de se hisser sans bruit sur le pont du navire.
Ce qui se passa apres reste assez mystérieux, jusqu'ici les évenements seraient tiré d'enfants accompagnant Severian, apres, les sources refusent de se dévoiler, on sait que Severian refusa toute sa vie de parler de ce qui c'était passé, on sait que le Capitaine du navire était dans un bouge minable du village, et on sait aussi qu'il n'y avait qu'une poignée de matelots de quart. De ces matelots, on appris apres quelques verres généreusement offert, que Severian aurait été repéré par un des anciens du navire, et qu'ils auraient passé un long moment ensemble, sans doute a discuter, néanmoins, ces récits provenant d'ivrognes notoires qui se trouvaient probablement a l'autre bout du navire durant ces évenements apparaissent peu fiable.

Toujours est-il que Severian réapparu le lendemain au levé du jour, sortant seul des cales, redescendant par la corde et rentrant prestement chez lui afin de dissimuler son absence a ses parents. L'humeur maussade qu'il manifesta les jours suivant cet incident fut mise sur le compte de l'adolescence, et les enfants ne poserent pas de question a Severian. C'est a partir de cette époque que l'on a les premiers échos de la ferronnerie de Severian, petits couteaux, outils de la ferme, il affichait un réel talent qui fini par interpeller le forgeron du village, qui proposa tout simplement de le prendre comme apprenti sans gage, proposition qui enthousiasma ses parents, mais que refusa tout net Severian.
Ne daignant pas expliquer son refus envers cette proposition pour le moins généreuse et rarissime, Severian se referma sur lui-meme, passant son temps libre dans l'ersatz de forge qu'il avait bâti a proximité du champ de ses parents. Quelques mois passerent, les objets se faisaient plus nombreux, et plus gros, au bout d'un moment, une partie des paysans du village finirent pas lui apporter leurs outils endommagés, Severian ne prenait pas d'argent, se contentant d'un remerciement chaleureux des paysans, visiblement satisfait de son travail, il ne souhaitait pas lui rajouter une valeur pécuniaire.

Tout aurait pu continuer ainsi, mais les grandes histoires ne se font pas en restant petit forgeron sur son île natale, aussi survint un jour celui que l'on nommait < Mangouste >, petit pirate sans envergure, qui arborait un drapeau pour le moins étrange, trois cranes de mangoustes.
S'il est vrai que le drapeau de Mangouste est sans doute le plus laid qu'un pirate n'ai jamais arboré de mémoire d'homme, il est tout aussi exact d'affirmer que Mangouste était au moins a la hauteur de ce drapeau, si ce n'est pire. Haut d'un metre soixante, un peu plus large, le visage livide et bouffi, ses gros doigts enserrés dans de lourds anneaux d'or, de longs cheveux noués en catogan lui tombant dans le milieu du dos, et une odeur rance avançant sur ses traces... Mangouste.

Son équipage n'était pas en reste, les pirates sont généralement considérés comme des rebuts, ceux la étaient les ratés des rebuts, manchots et unijambistes trop fauchés pour imaginer un autre métier, attardés mentaux ayant pris un coup de canon sur le derriere du crâne, le bras droit du bateau était tellement repoussant de saleté que sa peau et ses vetements semblaient melées. Le second bras droit était quand a lui terré dans une cale du navire, visiblement nommé en tant que bras droit pour faire peur a un équipage qui ne devait pas connaître le concept meme de la peur, il se terrait dans les entrailles du navire, et c'était, de l'avis de la plupart, tres bien ainsi.

suite : Ils tenterent vaguement d'attaquer Green Plain, avant de se résoudre a l'évidence, les quelques chiens et la milice du village suffirait largement a les repousser, si ce n'est a les anéantir, triste temps pour les pirates de pacotilles. Se résignant a l'inévitable, ils tenterent de commercer avec les habitants du village, malheureusement, la barriere des mondes entre paysans et gens de la mer rendait toute transaction difficile, chacun suspectant l'autre de tenter de le rouler, et comme si cela ne suffisait pas, la barriere de l'odeur venait fréquemment s'y ajouter. Un seul habitant ne semblait pas incommodé par cet étrange équipage, Severian, ce qui tombait plutôt bien vu qu'il était le vendeur qui intéressait le plus les simili-pirates. En plus d'écouler le surplus de légume de ses parents, il vendait a des prix attractifs des lames d'excellente facture, surtout pour des gens dont l'arme habituelle était le gourdin.
Petit a petit, il en vint a discuter de plus en plus souvent avec Mangouste qui semblait apprécier la discussion, sans doute le fait d'avoir habituellement une bande de simplet en guise de compagnie le rendait il friand de ce genre de passe temps. Toujours est-il qu'un semblant d'amitié se noua entre Severian et Mangouste, malgré la froideur du premier, et les défauts du second, tant et si bien que lorsque ce dernier se décida a lever l'ancre, Severian décida de l'accompagner. Prenant quelques outils et lames de sa forge, un baluchon de vetement et le dernier pain frais de la maison.

Sans un mot a sa famille il s'embarqua en tant que rétameur du vaisseau de Mangouste, poste qu'il ne devait pas occuper tres longtemps. Le vaisseau entama alors une rapide traversée vers Wood Island, chemin des plus tranquille, au cours du quel Severian n'eu pas grand-chose a faire, du moins, c'est comme ça que les choses auraient du se passer.

Un vieil homme a dit : < Quand tout va bien, c'est que t'as déja les deux pieds dans la merde mon gars. >

Il est intéressant de constater que ce proverbe se vérifie régulierement, Severian par exemple l'expérimenta avec délice lors de cette traversé. Une mer plate, un beau soleil et un saut d'île tout ce qu'il y a de plus tranquille furent bientôt interrompu par l'arrivé d'un Cyclone fonçant droit sur le navire. Mu par cette volonté farouche de détruire que certains nomment hasard, le cyclone ne laissa aucune chance a l'équipage qui fut dispersé sur une distance tellement considérable qu'aujourd'hui encore, l'adage < voyager comme une Mangouste > reste la déclaration préféré des voyageurs sur un chemin long et particulierement difficile.
On ne sait pas ce que fit Severian durant cet épisode, probablement rien, il n'y a pas grand-chose a faire face a un cyclone, toujours est il que quelques heures plus tard il se trouvait sur l'île de Green Plain, en pleine forme selon ce que raconte les habitants qui l'ont vu sortir de l'eau, et ayant visiblement envie d'une bonne douche.
Tandis que tous les habitants se précipitaient pour recueillir les débris du navire qui s'échouaient en masse sur la plage, Severian rentra dans une taverne ou il échangea un couteau contre un repas et une nuit dans la grange, l'aubergiste était visiblement ravi de son échange puisqu'il offrit en sus un pichet de biere a son jeune voyageur.

Il se passa par la suite quelques jours ou Severian aurait patienté sur l'île en échangeant sa pitance contre la remise a neuf des couteaux du tavernier, temps durant lequel il cherchait a obtenir toutes les informations possibles sur la plus grande île des environs, Grand Port. Peu impressionné par les descriptions d'immonde bouge grouillant de vermine qui lui était faite au sujet de la ville, Severian emporta quelques vivres, une paire de rame et s'en alla vers Grand port, sans même savoir précisément où se trouvait l'île. Plusieurs mysteres restent ici en suspens, les dates de départ et d'arrivée sont espacés de seulement deux jours, ce qui est proprement impossible vu la distance a parcourir, encore plus dans une modeste embarcation a rame. Il est aussi tres improbable qu'il ai pu traverser toute la mer dans son modeste rafiot, et plus encore que le reste, en arrivant a Grand Port, il se trouvait une personne de plus a bord du navire. Personne ne s'est jamais vraiment expliqué ce qui c'est passé, la plupart du temps on remet en cause les carnets des gardiens du port, affirmant que leurs dates sont fausses, d'autres disent tout simplement qu'en réalité, Severian serait née et aurait toujours vécu a Grand Port, la seule personne encore capable de le lire serait Syléa, la femme qui accompagnait Severian a son arrivée au port, mais elle semble désormais sénile et vit dans une île retirée, refusant tout contact avec l'extérieur.

Toujours est-il que Severian se présenta au port et fit enregistrer sa barque en tant que < Navire > du < Capitaine Severian>, ce qui du faire rire l'homme de garde aux éclats, avant de se diriger vers l'intérieur de la ville, ou il s'installa pour plusieurs années chez le forgeur de canon le plus connu de la ville, < Il Bergamasci >, apres lui avoir fait une rapide démonstration de ses talents.
Pendant plusieurs années, Severian travailla aux forges d'Il Bergamasci, si doué qu'il devint compagnon au bout de 5 années seulement, et qu'Il Domo (le surnom de Bergamasci) pensait en faire son successeur quand le temps viendrait pour lui d'arreter les canons. Severian ne s'intéressait pas seulement aux canons, apres avoir parfaitement assimilé la méthode de fonte utilisée, il passait son temps libre a tester de nouveaux alliages, de nouvelles méthodes et de nouvelles formes, gagnant de quoi s'adonner a sa passion en revendant les statues, ancres et autres objets usuels ainsi fabriqués.

Atteignant l'âge de la maturité, proche de ses 23 ou 24 ans, il songeait désormais a son départ quand un évenement imprévu précipita son excursion en mer. La fonderie d'Il Domo avait tout bonnement été anéantie suite a une coulée mal contrôlé. Bergamasci était mort avec une bonne partie des ouvriers, ce qui laissait Severian libre comme l'air. Réunissant le petit pécule qu'il avait amassé, il prit avec quelques un de ses amis la mer en louant un petit voilier pourrissant sur la rade a un officier local. Il n'est nul besoin de dire que le voilier ne fut jamais revu dans ces eaux.

Durant les mois qui suivirent, on entendit beaucoup parler du groupe des < Rouges > comme ils aimaient a se surnommer dans la région de Kileau, pour des raisons qui étaient a ce moment encore inconnues, Severian semblait réunir une grande quantité de métaux ferreux. Il semble qu'il s'installa sur une île perdu ou résidait uniquement un vieillard gâteux et son fils, sans doute devenu gâteux depuis. Selon le témoignage du fils, Severian installa un fourneau et une forge, fabriquant de longue plaque de tôle d'un métal proche du fer mais nettement plus résistant de sa propre composition. Apres plus d'une année passé au ramassage des matieres premieres, puis a la confection des plaques, et enfin a leur assemblage, un bateau métallique se dressait dans la minuscule rade de l'île, sous les yeux éberlué des deux habitants de l'île, ainsi que d'une bonne partie des compagnons de Severian qui n'avait jamais vraiment pris au sérieux l'affirmation de ce dernier sur le fait que quelque chose qui coulait dans l'eau pouvait flotter une fois correctement assemblé.
Avec cet étrange navire véritablement lent, mais au combien solide, ils arpenterent quelques îles, jusqu'a ce que la réalité reprenne ses droits, il était impossible de mouvoir le navire correctement. Les voyages prendraient des mois des que l'on cesserait le cabotage, et il était impossible de gagner sa vie avec un outil aussi mal adapté a la mer.

C'est sur ces sombres conclusions que Severian sombrait chaque soir devant le feu de camp que l'équipage faisait a terre tout en préparant la tambouille journaliere.
Tout en observant la bouilloire chauffant sur le feu, Severian s'interrogeait sur la façon la plus efficace pour faire bouger son navire, si la coque en fer était une réussite d'un point de vue flottaison et résistance, elle proposait un handicap de taille, les voiles ne parvenaient que péniblement a la mouvoir. Partant dans des reveries, il fut brusquement ramené a la réalité par le couvercle de la bouilloire, légerement trop petit pour le trou qu'il recouvrait, et qui s'était mis a tourner a vive allure avec l'ébullition de l'eau. S'amusant un instant de la rotation de la plaque métallique, une idée lui vint en tete en voyant la base du couvercle racler la surface de l'eau et en projeter quelques gouttes a l'extérieur.
Rameutant une grande partie de son équipage, il expliqua prestement son projet et ils se mirent rapidement au travail. Apres quelques heures d'un travail acharné, un grand cube métallique séparé en deux parties naquit, la vapeur permettant de faire tourner une plaque métallique sur un axe.
Il fallut encore quelques jours pour parfaire l'invention, le probleme principale se situait au
niveau de l'eau utilisé pour la propulsion, l'eau pure était trop rare pour etre sacrifié, et l'eau de mer aurait tôt fait de détruire le systeme. Apres avoir résolu ce détail en récupérant l'eau transformé en vapeur, ils firent quelques tests de plaques tournantes et obtinrent des résultats satisfaisant en théorie, ils durent alors l'installer sur le navire.
La cabine du second et celle du charpentier furent entierement sacrifié a l'installation de la bete et du bois nécessaire a son alimentation. Les tests furent assez long, les soudures proches de l'hélice arriere ayant tendance a se fissurer, et la hauteur de l'hélice ayant du etre rectifié a maintes reprises.
Une fois que Severian fut totalement satisfaits par son nouveau systeme, ils purent enfin prendre le large, appréciant l'avantage d'une vitesse constante par tous vents. Plus rapide qu'un vaisseau classique, l' nom du vaisseau de fer de Severian pouvait distancer tout navire hostile, ou aborder avec facilité les navires marchands.

Bientôt les prises succéderent aux prises, le butin fut bientôt plus que conséquent, et Severian pouvait désormais acheter du bois rare et qui brulait particulierement bien pour alimenter sa machine, augmentant ainsi la vitesse du navire. Cependant les navires marchands commençaient a se méfier sérieusement, le signalement du bateau était désormais connu de tous, et les escouades de vaisseaux se voyaient entourés de navires de guerres, propre a dissuader tous les intrus.
Tous, sauf Severian, utilisant une technique antique, il utilisait sa vitesse pour frapper en plein centre les navires de guerres qui coulaient rapidement, avant de s'approcher des vaisseaux marchands, désormais résigné, et qui baissaient pavillons avant meme le début de l'affrontement.

C'est alors que les faits deviennent flous, voici ce que l'on a pu apprendre par la suite :


La lassitude gagnait le coeur de l'équipage, certes l'or coulait a flot, mais ou était l'aventure, ou était la passion des premiers jours. Capturer les navires n'avait plus de saveur, et beaucoup s'ennuyaient fermes.

Un soir une violente dispute éclata. Les deux lieutenants de Sevérian se jaugeaient a bout portant, la pointe des mousquets appuyés sur le menton de son rival. La réconciliation semblait impossible entre ces 2 hommes, la haine et la tension saisissait les matelots qui observaient la scene, seul l'arbitrage de Severian pouvait alors empecher un bain de sang.. On appela le Capitaine, on fouilla chaque recoin du navire, et on fini par découvrir l'absence d'une chaloupe ainsi que d'un jeune mousse, Albuquerke, meme si cette absence ne signifiait pas grand-chose, le mousse pouvait tout simplement etre tombé a l'eau durant la nuit.

La disparition de Severian fut suffisante pour arreter momentanément le conflit entre les deux hommes. Utor était toujours aussi fâché de la tournure des éléments, mais la perte de Sevérian l'avait visiblement touché. Damelie de son coté cherchait a s'expliquer l'étrange absence du capitaine, sans en trouver ni les motifs, ni les aboutissants. Apres une nuit blanche, l'ensemble du navire décida de rentrer a Grand Port pour y décider de la suite des évenements.

Apres quelques pourparlers, il fut convenu plusieurs choses :

-Le Navire serait sabordé par les deux lieutenants en pleine mer si Severian ne revenait pas dans un délai de 15 jours.
-Les matelots et les mousses seraient libres de choisir un nouveau navire.
-Utor et Damelie se tiendraient au courant de toutes rumeurs sur l'endroit ou Severian se terrait.

Une paix tacite vint conclure ces accords, et apres 15 jours d'attentes, le navire fut sabordé en mer, sous le regard des anciens matelots du Capadores. L'équipage se scinda en deux, les plus avides d'or et de joyaux rejoignirent Utor, persuadé de trouver en lui un Capitaine pour qui une bonne prise valait 100 nouvelles terres. Les autres partirent avec Damélie, espérant découvrir le monde sous sa banniere. Les deux capitaines quitterent Grand Port le meme jour, Utor se dirigea vers le Sud, tandis que Damelie vira vers le Nord..On n'eu plus jamais de nouvelle de ces navires apres ce départ, néanmoins le nom de chaque capitaine représente désormais un certain idéal de la piraterie.